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3 janvier 2024

L'autre fille d'Annie Ernaux - éditions Folio

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L’autre fille désigne la sœur aînée d’Annie Ernaux décédée à l’âge de six ans en 1938, deux mois avant que le vaccin de la diphtérie fût rendu obligatoire. Dans ce court récit autobiographique, Annie Ernaux s’appuie sur des archives (le livret de famille, l’état civil et quelques rares photos de famille) pour évoquer le lourd secret de cette famille normande dans les années après-guerre.

C’est au cours d’une conversation chuchotée dans les années 1950 qu’Annie Ernaux apprend l’existence de Ginette. La révélation est faite de manière brutale, plongeant immédiatement la narratrice dans une comparaison inoubliable. Je cite : « elle était plus gentille que celle-là. Celle-là, c’est moi. »

Annie Ernaux remonte le fil du temps, époque lointaine à laquelle les décès d’enfants étaient malheureusement monnaie courante. En août 1945, la narratrice évoque ses souvenirs d’une crise de tétanos, expliquant les méthodes utilisées pour traiter (sérum et eau bénite) afin d’éviter que le malheur ne s’abatte de nouveau sur la famille. La narratrice souligne le silence pesant sur l’existence de Ginette. Le tabou. La douleur étant plus forte que les mots. L’expression « tourner la page » me vient en tête, laissant toutefois des cicatrices invisibles. Suite au décès de ses parents, Annie Ernaux écrit : « Ils ont emporté dans la tombe, l’un après l’autre, la mémoire vivante de toi, de tout ce qui a été perdu en avril 1938. » En ignorant les traits de personnalité de cette sœur disparue et inconnue, Annie Ernaux confie avoir idéalisé Ginette, la considérant comme « une sainte » et non comme un personnage réel.

Dans ce récit que l’autre considère comme une lettre, Annie Ernaux utilise la deuxième personne du singulier. Technique littéraire qui d’une certaine manière donne plus de vie à l’interlocutrice absente. L’écriture ici permet de créer un lien dans le monde de l’au-delà. Le texte est ponctué de photographies anciennes en noir et blanc, appuyées par de magnifiques descriptions sobres et touchantes. Le style épuré est celui d’une autre époque. A l’issue de cette lecture, je trouve qu’on est dans une sorte de quête : on se pose des questions sur ses origines, on se demande quels mystères ont bien pu être emportés dans les tombes de nos aïeux. Pour finir, je dirais qu’il est possible d’établir un parallèle avec le roman « Un secret » de Philippe Grimbert qui traite aussi de la mort prématurée d’un enfant mais dans d’autres circonstances.

Un texte beau comme un galet poli sur lequel on viendrait coller des petits personnages.

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