Manderley for ever de Tatiana de Rosnay – éditions Albin Michel

Manderley for ever est le récit autobiographique de Daphné du Maurier (romancière anglaise d’origine française, écrivaine à succès née à Londres en 1907 puis décédée à Fowey en 1989 en Cornouailles). Suite à une demande de son éditeur, l’autrice a accepté de remonter à la source de son histoire familiale, de nous livrer en un peu plus de 400 pages le portrait de cette grande dame de la littérature souvent considérée à tort comme une autrice de nombreux romans gothiques et romanesques. Tatiana de Rosnay se souvient de sa toute première lecture du livre Rebecca. Cette découverte à l’âge de douze ans marqua à tout jamais son admiration pour celle qui a frappé de nombreux esprits en écrivant la fameuse phrase : « J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. »

Daphné du Maurier a grandi en Angleterre dans un univers social et culturel largement privilégié. Son père, Gerald du Maurier,  était un acteur de cinéma très célèbre qui ne cessait en dehors de son travail de faire son cinéma. Eternel insatisfait, personnage narcissique et bien souvent insupportable, il aimait organiser des soirées mondaines pendant lesquelles le champagne coulait à flots, les robes scintillaient, les gens avaient de l’argent et le montraient.

Petite,  Daphné faisait l’admiration de son père. Elle semblait bien plus remarquée en comparaison avec ses deux autres sœurs. Elle dévorait les livres, s’amusait à jouer la comédie tout en sentant « une barrière invisible entre sa mère et elle ». Une fois la guerre terminée, Daphné part étudier en France, rejoindre la terre de son ancêtre paternel. Elle y ressentira là-bas des émois si forts et si incontrôlables que seule l’écriture deviendra le moyen de tenter de dompter ses émotions. Comment cette jeune fille curieuse, impertinente au tempérament timide et réservé deviendra-t-elle  la célèbre romancière anglaise ?

Aussi étrange soit-il, j’ai lu la biographie d’une femme dont je n’ai lu absolument aucun livre et pour être honnête dont je n’avais quasiment jamais entendu parler. Ai-je maintenant envie de découvrir un de ses romans ? Je ne suis pas certaine, du moins pas pour le moment. Pourtant j’ai été complètement happée par la construction de ce livre. A l’issue cette lecture, vous serez incollables sur la vie familiale, sentimentale, conjugale, professionnelle et culturelle de Daphné Du Maurier. L’autrice qui a effectué un travail de recherche titanesque pendant deux ans déroule le fil de sa vie en s’appuyant sur des faits marquants de sa jeunesse, les grands moments de son existence, son obsession pour l’écriture, les lieux qui ont inspiré son travail, les influences artistiques, ses rencontres, ses voyages.

La construction est si fluide que le lecteur s’interroge sur la part de vérité dans certains propos ou détails bien qu’elle certifie n’avoir rien inventé. Toutefois, j’ai envie de dire peu importe car on ressent l’admiration et le plaisir que Tatiana Du Rosnay a ressenti à l’idée de partager ses recherches tout en agrémentant son travail de photos des demeures toutes les plus belles et les plus fascinantes les unes que les autres. L’autrice lève le voile sur ses failles (notamment sa tendance à être égoïste) partage ses coups durs et ses amours secrètes.

Ce que j’ai le plus aimé, c’est la manière dont elle évoque le processus de création littéraire : on comprend ce qui est à l’origine d’une idée, l’espace de travail qui doit insuffler le vent de l’inspiration, le regard acerbe des critiques qui n’ont jamais été tendres avec elle, puis la panne sèche, la fameuse angoisse de la page blanche qui inquiète ceux qui veulent en faire leur métier. Tatiana de Rosnay conlue son ouvrage page 478 en déclarant : « Un romancier qui n’écrit plus est une entité sans vie. Un mort vivant. »

Une biographie passionnante d’une femme admirative. Il me reste maintenant à découvrir un de ses romans pour me forger mon propre avis.

Je termine par ajouter mes recommendations des autres livres de Tatiana de Rosnay (lus et aimés)

- Elle s'appelait Sarah

- Spirales

- Le voisin : http://apresavoirlu.canalblog.com/archives/2013/09/10/27994225.html