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4 novembre 2020

No et moi de Delphine de Vigan - chapitre 10

No et moi au cafe

Le chapitre dix démarre dans une atmosphère grise, pesante, propice à la nostalgie. Je cite : « C’est un jour de décembre, le ciel est bas et lourd comme dans les poésies, la buée trouble les vitres du café, dehors il pleut des seaux. » Delphine de Vigan, via cette première phrase, fait allusion au poème « Spleen » de Charles Baudelaire, plongeant ainsi le lecteur dans une ambiance mélancolique.  

La date de l’exposé de Lou approche, « dans deux jours », pour être précise. Les indicateurs temporels permettent de rythmer le récit et participent à créer un certain suspens. Au fil de leurs rencontres, Lou s’attache de plus en plus à No. L’amitié se développe, entraînant une forme d’inquiétude de la part de Lou qui avoue : « J’ai peur que ce soit la dernière fois, j’ai peur du moment où je vais la quitter ». La répétition de la structure « j’ai peur » souligne la crainte de Lou, consciente du danger auquel s’expose constamment No.  

Par ailleurs, le chapitre dix est crucial car il dévoile quelques indices sur la situation familiale de No. Nous découvrons qu’elle a vécu une enfance difficile car « elle a été placée dans une famille d’accueil quand elle avait douze ans. » Nous avons donc l’image d’une enfance chaotique, perturbée, sans repères. Ce récit bref montre bien que le passé est un sujet tabou et traumatisant.

La rue est un monde sauvage, cruel, dangereux. No s’expose quotidiennement à des risques de violence ou d’agressions en tous genres. Lou est désormais consciente du fonctionnement de la vie de son amie. Au moment des séparations dans le café, chacune va de son côté. Ce moment tant redouté conduit Lou à s’interroger et devenir philosophique. Je cite : « Il est trop tard pour elle, et moi je vais rentrer chez moi. » La citation « Il est trop tard pour elle » écrite en italique est intéressante dans la mesure où elle a un double sens. Tout d’abord, « trop tard » car il fait nuit, c’est le soir et les centres d’accueil risquent d’être fermés. Par conséquence, le lecteur (ou Lou) se pose la question suivante : où No va-t-elle dormir ? Mais, l’expression « trop tard » a aussi une connotation insoluble. C’est trop tard, ici, suggèrerait l’idée que No, désormais majeure ne serait-elle pas un cas sans avenir ? Ce qui reviendrait à condamner cette jeune fille à vivre définitivement dans une voix sans issue.

Toutefois, Lou, élève surdouée, mature et pleine de sensibilité refuse d’accepter cette réalité. En effet, elle s’offusque, elle remet en doute les idées toutes faites, elle bouscule les préjugés en se/nous posant les questions existentielles suivantes : « A partir de quand il est trop tard ? Depuis quand il est trop tard ? Depuis le premier jour où je l’ai vue, depuis six mois, deux ans, cinq ans ? Est-ce qu’on peut sortir de là ? Comment peut-on se retrouver à dix-huit ans dehors, sans rien, sans personne ? » La succession des questions rhétoriques servent ici à articuler le discours, à attirer l’attention du lecteur, voir le convaincre de l’injustice du monde dans lequel nous vivons. Nous devinons que Lou est révoltée, indignée, abasourdie puisqu’elle confie ligne 941 : « je suis là, le cœur en miettes, sans voix, en face d’elle, je n’ai pas de réponses, je suis là, paralysée. »

A contre cœur, Lou quitte les lieux. Elle suggère une autre rencontre, ce qui met en valeur son désir de passer encore plus de temps avec elle. Je cite : « On peut se voir mardi, à la même heure ? Comme ça je te raconterai, pour mon exposé. » L’utilisation du futur met en valeur ses espoirs. La réponse évasive de No « Ouais, si tu veux » laisse le lecteur dubitatif.

De nouveau, Lou plonge dans l’inquiétude. Je cite : « Je descends dans le métro et j’ai le vertige, c’est une peur bien plus grande qu’un expose devant toute la classe. » La séparation entraine l’anxiété.

En conclusion, le chapitre dix nous éclaire furtivement sur la construction de No. Nous savons qu’elle a été une enfant abandonnée, puis placée et désormais SDF. Lou, révoltée par l’injustice liée aux inégalités sociales s’interroge sur le monde indiffèrent dans lequel on vit : « Sommes-nous de si petites choses, si infiniment petites, que le monde continue de tourner, infiniment grand, et se fout pas mal de savoir où nous dormons ? »

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