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3 avril 2020

Tempête en juin d’Irène Némirovsky

Aujourd´hui, nous sommes vendredi 3 avril 2020.

Si je devais faire le bilan de cette première semaine d’enseignement à distance, je dirais que grâce au sens de l’engagement et le sérieux de mes élèves en classe de terminale, nous arrivons à travers nos échanges à maintenir la poursuite des activités pédagogiques.

Ce matin, je voulais leur lire un extrait du chapitre 11 du roman Tempête en juin, car je crois, aujourd’hui plus que jamais, que nous devons nous inspirer du couple des Michaud et suivre leur force et leur courage. Page 101, l’autrice déclare : “Malgré la fatigue, la faim, l’inquiétude, Maurice Michaud ne se sentait pas trop malheureux.”Cette citation  souligne un courage exemplaire.

La photo du jour

L’analyse du roman Tempête en juin touche à sa fin. Il est vrai que je n’avais pas envisagé le terminer ainsi, loin d’eux, loin de l’école, assise toute la journée derrière mon écran. Mais chaque message de leur part, chaque réponse, chaque question est une source de motivation.

Notre vie est désormais rythmée par de nombreuses interdictions ou restrictions sans qu’on sache vraiment à quel moment cette situation viendra à terme. Il convient de rester fort tout en n’oubliant pas que le confinement reste une catastrophe pour les plus vulnérables.

De mon côté, je dois avouer, qu’en situation de confinement, j’ai beaucoup de difficultés à lire. Je m’explique : je lis les phrases, j’enchaine les paragraphes, j’avance ou je reviens en arrière mais l’information ne rentre pas dans mon cerveau. C’est très curieux mais il semblerait que je ne sois pas la seule à ressentir ces symptômes. On aurait pu penser que ce moment allait être la période idéale pour se plonger dans un énorme roman afin de s’évader mais en vain…

Alors, je lis des analyses d’élèves et j’ai l’impression d’être une correctrice dans une maison d’édition qui souligne en jaune les fautes d’accord, en vert les erreurs d’orthographe, en rose les répétitions ou en orange les tournures fragiles et maladroites. Puis vient le moment où la concentration baisse, où les yeux fatiguent, où l’entrain diminue...

Revenons à la question du jour : quels sont les principaux thèmes traités de ce livre ? Dans cette galerie de portraits négatifs, l’autrice nous présente une image chaotique de la France, perturbée par un conflit armé violent qui entrainera la division du pays.

a. Une France en guerre :

En juin 1940, plusieurs villes et villages du nord de la France subissent des bombardements répétés. Les villes sont impitoyablement détruites Le nord est en proie à une panique contagieuse. Tout le monde vit dans l’angoisse à cause de l’invasion allemande. Il y a un phénomène de panique collective. Pour dépeindre cette atmosphère oppressante, Irène Némirovsky utilise plusieurs termes qui appartiennent au champ lexical de la guerre. Citons les mots suivants :  la guerre, l'alerte, le front, des bombes étaient tombées, les avions ennemis, les éclatements et les explosions, la chute des bombes, des coups de canons retentissaient, un coup de canon fut tire, rumeur sinistre et vague. Ce lexique souligne la menace qui entraîne un sentiment de peur qui se propage rapidement dans l'ensemble de la ville.

Dans le chapitre 12, nous assistions à la description d'une authentique scène de guerre. Commençons par remarquer que le combat n'est pas seulement visuel mais aussi sonore : « dans le tintamarre des autos, les cris des enfants, le bruit de la foule affolée, on entendant à peine ce faible et ridiculise tintement. ». L'interrogation : « Tiens, c'est une alerte ? » souligne l’incompréhension générale. Les gens observent le ciel et sont affolés. Ce sentiment de panique collective est palpable lorsque Jeanne déclare : « Mais il tire, il va tirer, nous sommes perdus... ». Ici, Irène Nemirovsky utilise deux figures de style dans une même phrase. La première est une  gradation ascendante qui est une figure d’amplification. Elle crée un effet de dramatisation. Elle permet de donner plus d’intensité à l’expression et apporte du rythme à la phrase. La seconde est une aposiopèse qui est une figure de rupture de construction. Elle consiste à interrompre une phrase ou un vers sans achever sa pensée. L’aposiopèse révèle une émotion, une hésitation ou une allusion. Ici , la phrase “nous sommes perdus... » annonce la prise de conscience d'une mort imminente.

b. L'exode

En cinq jours, Paris se vide. Ce peuple fuit muet et triste, sans savoir où il va. Les réfugiés fuient devant l'ennemi et emportent avec eux leurs objets les plus précieux L'ennemi ne respecte ni la vieillesse ni la jeunesse Épuisés par l'effort et les attaques aériennes : beaucoup s'affalent sur le bord des routes. Les gens sont harassés, épuisés, piétinent les ventres vides. La description de l’exode est parfaitement décrite via cette metaphore (“un fleuve lent d’autos”).

Les modes de transports utilisés sont les suivants : « la voiture des Péricand», « une voiture d'enfants et une bicyclette ». L'auteur énumère la liste des objets nécessaires pour le voyage : « Le matelas doux et profond, tous les sacs, les valises et les mallettes de la famille, le coffret a dentelles, la planche a repasser ». Ils prévoient également de la nourriture : « les paniers qui contenaient les sandwiches et les thermos du goûter, les bouteilles de lait, du poulet froid, du jambon, du pain et les boites de farine » et d'autres objets précieux tels que : « La corbeille du chat, ces grands draps brodés,les bijoux les plats d'argent et la bibliothèque. »Dès l’incipit, le groupe des bourgeois qui doit évacuer leur domicile est touchant et ahurissant à la fois.

Les Michaud essayent de prendre le train pour rejoindre Tours mais c'est impossible. C'est le chaos le plus complet. « Jamais ils ne purent pénétrer a l’intérieur dans la grande cour fermée, cadenassée, défendue par la troupe et par la foule pressée, écrasée, contre les barreaux. »

Alors « tant pis » ils partent  à pied. Le trajet est de 230 kilomètres.

Les réfugiés sont épuisés de marcher sous le soleil. Analysons les citations suivantes : « Il y avait trop de réfugiés. Il y avait trop de figures lasses, livides, en sueur, trop d’enfants en pleurs, trop de bouches tremblantes qui demandaient : Vous  ne savez pas ou on peut trouver une chambre ? Vous ne pourriez pas nous indiquer un restaurant, madame ? ». Dans cet extrait, la répétition de l’adverbe d'intensité « trop » vient renforcer l’image d'une foule hagarde, vide, lasse, à la recherche d’une solution, voir d'un miracle.

Le chapitre 9 permet de bien comprendre comment s'organise l'exode. La métaphore « par la route de Paris coulait un fleuve lent d'autos, de camions, de voitures de charretiers, de bicyclettes auquel se mêlaient les attelages des paysans qui abandonnaient leurs fermes » souligne la fuite massive de la population française en mai-juin 1940 lorsque l'armée allemande envahit la majorité du territoire national lors de la fin de la bataille de France. Le livre offre une galerie de portraits. Tous ont en commun la volonté de quitter Paris. Bien qu'ils soient issus de milieux sociaux différents, tous essayent d’échapper aux bombardements.

c. Le chaos

L'auteur analyse le chaos et l'errance qui règne en France à cette époque. Elle met en scène des personnages menacés par le désordre, la peur, l’errance, la perte, mais qui tentent de «résister », de s’en sortir en prenant les chemins de l’exode. L'auteur compare les hommes à des animaux en disant : « Les corps dressés comme des bêtes inquiètes. » Cette figure de style permet de dire que les êtres humains réagissent comme des espèces guidés par leur instinct de survie, comme s'ils étaient traqués par l'ennemi dans les bois.

La panique à Paris est palpable. Les gares ne sont pas accessibles car elles étaient « closes et gardées par la troupe. » La désorganisation est très bien décrite dans ce passage car « la foule s'accrochait aux barreaux, les secouait, puis refluait en désordre dans les rues voisines. » On comprend que la pénurie d'essence entraîne un sentiment de peur et d'angoisse. Les gens sont très tristes de quitter leurs maisons car ils pensent que « demain elle sera en ruine ». L’incompréhension plane. La confusion est générale et pour souligner ce phénomène, Irène Némirovsky utilise une gradation ascendante dans la phrase suivante : « On voyait sur le seuil d'une maison apparaître un groupe gesticulant de femmes, de vieillards et d'enfants s’efforçant calmement, fiévreusement ensuite, puis avec une excitation maladive et folle de faire entrer familles et bagages dans une Renault ». Cette figure de style permet d'amplifier la description surréaliste de la scène, en insistant en plus sur le fait que la guerre n’épargne personne, touchant les femmes, les personnes âgées et les plus jeunes. L'auteur conclue de manière frappante en disant : « l'essentiel, c'est de sauver sa vie ! »

d. La peur

Ce sentiment de panique collective est palpable lorsque Jeanne déclare : « Mais il tire, il va tirer, nous sommes perdus... ». Ici, Irène Nemirovsky utilise deux figures de style dans une même phrase. La première est une  gradation ascendante qui est une figure d’amplification. Elle crée un effet de dramatisation. Elle permet de donner plus d’intensité à l’expression et apporte du rythme à la phrase. La seconde est une aposiopèse qui est une figure de rupture de construction. Elle consiste à interrompre une phrase ou un vers sans achever sa pensée. L’aposiopèse révèle une émotion, une hésitation ou une allusion. Ici , la phrase “nous sommes perdus... » annonce la prise de conscience d'une mort imminente.

Cependant, nous remarquons qu'en dépit du climat de peur, l'auteur insert une anecdote qui permet de briser l'horreur de la situation. Malgré l'incertitude, « des enfants naissaient dans des chambres chaudes ». Il y a un contraste étonnant entre ces naissances, symbole de bonheur et d'amour qui surgissent en plein milieu du chaos le plus complet.

Dans le chapitre 10, la famille Péricand poursuit son voyage dans des conditions terribles et chaotiques. Ils ont eu des problèmes avec leur voiture et la métaphore suivante « la panique grandissait, se répandait d´une ville à l’autre comme une flamme » montre que la peur est un sentiment qui se propage comme une traînée de poudre. De plus, la pénurie d’essence inquiète les automobilistes. La citation suivante souligne le chaos : « Les voitures attendaient le jour pour s’approvisionner en essence. Déjà elle manquait. » La confusion règne dans le village car « on demandait des nouvelles aux réfugiés. Ils ne savaient rien. »

e. L'injustice sociale

Dans cette ambiance où la tension de la guerre monte, chacun tente de protéger ce qu’il a de plus précieux : manuscrits, porcelaine, trousse de maquillage, argenterie, etc. Outre celle du manque de vivres, la question que soulève Tempête en juin est celle du véhicule qui permettrait d’échapper aux Allemands. Ceux qui disposent d’une voiture sont des privilégiés et sont prêts à tout pour continuer leur voyage. Tous sont terrassés par la fatigue, la faim et l’inquiétude. « Les pauvres, les malchanceux, les faibles » n'ont pas de voiture donc on comprend facilement que physiquement l'exode est beaucoup plus éprouvante pour eux.

Au départ, Gabriel Corte par amour propre refuse une chambre minable d’hôtel. Il préfère dormir dans sa voiture plutôt que d’accepter « deux petites pièces chaudes sous les toits ». Il compare la chambre « à  un piège à  rats ».  Plus loin, il explique qu'il ne pouvait pas dormir dans « cette infâme mansarde qui sentait la punaise et l’évier ». Ce comportement souligne deux aspects importants. Tout d'abord, il est tellement habitue au luxe et au confort qu'il ne peut envisager de changer de statut. Ensuite, son attitude impolie avec le gérant souligne son arrogance et sa condescendance.

Le début du chapitre 11 montre les difficultés ressenties par les marcheurs qui traversaient la France, ceux qui voulaient fuir « la France qui était en flammes ».   Tous sont terrassés par la fatigue, la faim et l’inquiétude. « Les pauvres, les malchanceux, les faibles » n'ont pas de voiture donc on comprend facilement que physiquement l'exode est beaucoup plus éprouvante pour eux.

f. La pénurie

Au départ, Mme Péricand n'est pas pleinement consciente de la gravité de la situation, si bien qu'elle encourage ses enfants à partager leur nourriture. « C'est le moment de mettre en pratique ce que tu as appris au catéchisme ». Mais curieusement, elle partage ses vivres avec les enfants « de bonne famille ». Dans l’église, les femmes pleurent leur désarroi. Lorsque Mme Péricand comprend qu'il n'y a plus rien dans les magasins, elle met de côté sa « charité chrétienne ». Elle sait désormais qu'ils « étaient seuls dans un monde hostile, ses enfants et elle. Il lui fallait nourrir et abriter ses petits. Le reste ne comptait plus ».

g. L'amateurisme de l’armée française

Hubert est très pessimiste. Il comprend que les français ne disposent pas d'armes pour répondre aux attaques. Il déclare, las et fatigue : “C'est un désastre soupira Hubert. C'est la défaite ! J'assiste à une grande défaite, pire que Waterloo.” La répétition du mot “défaite” plonge le lecteur dans un constat d’échec. Ce manque de préparation et d'anticipation est plus tard mentionné dans la phrase suivante : “on défendait encore, sans tanks, sans artillerie, sans munitions” et face à cet amateurisme Hubert tente vainement de rester dans l'action. Son parcours est semé de difficultés.  “Il était ivre de fatigue et de désespoir”. Dans ce chapitre, l'autrice réussit à nous faire prendre conscience de la souffrance extrême d'Hubert et en même temps de la honte qui l'habite. Il se sent ridicule car “incapable”.

h. L’animalisation

Rappelons qu'en quelques semaines, près de huit millions de personnes s'enfuient du Nord vers le Sud de la France, emportant avec elles de maigres bagages. La détresse des hommes est comparable à des « bêtes qui attendent la mort ».  Plusieurs fois dans ce chapitre, l'auteur évoque le thème de l'angoisse, de la peur de la mort en comparant les réfugiés avec des animaux. Citons les phrases suivantes : « elles étaient pressées les unes contre les autres comme des poissons pris dans une nasse ». Cette comparaison évoque ici l’idée de piège, d'absence d'issue et l'on retrouve plus loin cette même sensation d’insécurité dans la phrase suivante : « Ainsi le poisson pris dans les mailles du filet ». L'auteur analyse le chaos et l'errance qui règne en France à cette époque. Elle met en  scène des personnages menacés par le désordre, le chaos, l’errance, la perte, mais qui  tentent de «résister », de s’en sortir en prenant les chemins de l’exode. L'animalisation a pour but d'exprimer une extrême brutalité chez un personnage. En comparant un personnage à un animal, l'auteur le réduit au même niveau, sans lui  donner des aptitudes à agir sur son destin.

Le chapitre 14 se termine par une note effroyable. Corte exprime sa colère et son effroi lorsqu'il déclare : « C'est une jungle, nous sommes pris dans une jungle... ». Une fois de plus, l'autrice mentionne l'animalisation pour montrer que les gens dans ce contexte agissent avec des instincts ce survie. Ces références permettent d'exprimer l’extrême brutalité de certains personnages. 

Dans le chapitre 17, Irène Némirovsky utilise une fois de plus une animalisation lorsqu’elle déclare : “partout ils se retrouvaient et se collaient les uns aux autres comme des bêtes égarées se cherchent et se rejoignent après l’orage.” Cette figure de style permet de renforcer le sentiment d’hébétude. Les réfugiés forment une foule hagarde, perdue, désespérée.

En conclusion, Tempête en juin est un roman incontournable sur la période de l’exode en juin 1940. Il convient de ne pas oublier les conditions dans lesquelles Irène Némirovsky a écrit ces pages, dans l’ombre, dans l’angoisse et dans la solitude. Ce fut très émouvant finalement de l’enseigner une deuxième fois.

Aujourd’hui, premiers rayons de soleil qui viennent chasser le ciel gris de cette semaine. En parlant de météo, je vous laisse avec un court poème de Robert Louis Stevenson. Laissons-nous bercer par la musicalité de ces mots simples en cette période de tumulte. 

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