Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Après avoir lu
Visiteurs
Depuis la création 223 516
Publicité
Archives
Newsletter
17 mars 2020

Suite française d'Irène Némirovsky - éditions Folio

Chapitre 27

Le chapitre 27 est assez long et permet de bien saisir le style de vie du couple des Corte. L’autrice parle dans ce passage de ceux qui sont habitués au luxe et qui même en période de guerre ne peuvent se défaire de leur petit confort. Ainsi, la première phrase du chapitre indique que « Les Corte arrivèrent au Grand Hôtel à sept heures du matin ». Bien-sûr, ils craignaient une multitude de scénarios tous aussi sombres les uns que les autres. Ils ont peur par example de découvrir « des réfugiés qui dormiraient sur les tapis crème du salon. » Cette appréhension est une marque d’ironie de la part de l’autrice et permet de renforcer les inégalités sociales.

Les Corte arrivent dans la station thermale de France. Le lieu est intact. Tout semble fonctionner normalement comme le souligne la phrase suivante : « Le personnel était à sa place. » L’entrée dans les lieux provoque une vague de soulagement du couple bourgeois. Pour mettre en valeur ce bonheur soudain, Irène Némirovsky utilise une hyperbole : « Dès leurs premiers pas sur le marbre du hall, les Corte se sentirent renaître. »

corteCorte est satisfait car il est reconnu par le personnel. Il a droit a un traitement de faveur. Le directeur confie que « pour lui, Gabriel Corte, il s’arrangerait toujours. »Gabriel Corte est apaisé de ne plus assister au spectacle désolant de la guerre. Il se trouve maintenant loin du chaos, du désordre et du bruit. Il peut enfin profiter des services et du confort auxquels il est si habitué. Autrement dit, ce passage dans cet hôtel, c’est une sorte de retour à la normalité car désormais « on fermait une fenêtre pour qu’il ne sentir pas les courants d’air, on ouvrait les portes devant lui, il sentait d’épais tapis sous les pieds. » Le directeur raconte les malheurs de ses clients. Ce à quoi, Corte répond froidement : « Moi j’ai failli perdre mes manuscrits. » Cette citation qui démarre avec le pronom tonique « moi » montre qu’il est individualiste, égoïste mais aussi matérialiste. Il est également insensible à la douleur des autres.

De son côté, Florence s’observe dans le miroir et est désolée par l’image qu’elle consate. Je cite : « Son visage habituellement si doux, si bien fardé, si reposé, la sueur le recouvrait comme un enduit luisant. » Elle demande à Julie (une employée) de lui préparer ses vêtements et ses soins de beauté. L’utilisation du futur et de l’impératif montre qu’elle oublie rapidement le traumatisme de la guerre pour se glisser dans un univers mondain et superficiel. Ses interrogations futiles telle que « Je me demande s’ils ont encore de la poudre ocre, la dernière.. » sont ahurissantes car elles sont en décalage complet avec le contexte tragique de la guerre.

 

florence

Depuis son bain, Corte a un sentiment de plénitude. Je cite : « Il souriait, étirait ses bras, faisait craquer les jointures de ses longs doigts pâles, savourait le divin et simple plaisir d’être à l’abri des bombes et de prendre un bain frais par une journée brulante. » L’autrice passe au peigne fin les gestes de détente du personnage principal, insistant ainsi sur les différences de traitement entre les riches et les plus vulnérables.

Puis, peu à peu il s'interroge, se pose des questions rhétoriques. « Où allait le monde ? Que serait l’esprit de demain ? » Ce qui est intéressant, c’est l’absence de réponses pertinentes. Or, en tant qu’auteur, il devrait être en mesure de fournir quelques explications éventuelles. Ainsi, l’autrice se moque de sa capacite à juger des évènements, comme si sa faculté était de les voir selon son propre point de vue, limitant ainsi d’autres angles d’analyse. Cette fermeture d’esprit est confirmée d’ailleurs plus loin avec la phrase suivante : « Il ne comprenait rien. »En apprenant la fuite de son ami « Jules Blanc » au Portugal, Corte se sentit seul et abandonné au bord d'un gouffre.

Le portier refuse de faire entrer un homme de soixante-dix ans. Celui-ci voudrait une chambre. Il essaye même de proposer une somme d’argent incroyable en échange « d’un petit coin de chambre. » En dépit des mille francs, le portier refuse puis finira par se mettre en colère contre une étrangère. La tension monte de nouveau et nous le voyons via l’utilisation d’un langage familier et agressif. « Bouclez-la » est un ordre qui montre que le portier s’impatiente. Il devient menaçant.

portierA la fin du chapitre Corte se sent soulagé de retrouver toutes ces figures célèbres d'amis. Il tire une satisfaction à être au milieu de gens intellectuels et aises qui appartiennent à la même classe sociale que lui. Or, nous lecteurs sommes choqués devant tant de condescendance. L’autrice cherche à soulever notre indignation devant ces hommes de lettres qui « se prouvaient l’un à l’autre jusqu’à l’évidence que rien ne changeait, que tout demeurait pareil, que l’on n’assistait pas a quelques cataclysme ordinaire, à la fin du monde comme on l’avait cru… »

 

Chapitre 28

Les Michaud ne sont jamais arrivés à Tours car le travail s’arrêta suite à une explosion.

Ils sont de retour à Paris, « une ville à demi vide. » L’autrice nous offre la description d’une ville fantôme, dans laquelle « les magasins d’alimentation semblaient tous fermés. » L’autrice déclare : « on aurait dit une ville nettoyée par la peste. » pour souligner le silence, le vide, la désorganisation totale.

michaudMadame Michaud est toujours sans nouvelles de son fils. Face à l’absence, elle espère recevoir une lettre, un mot, des nouvelles. Cependant, elle apprend via une commerçante du quartier « que le courrier n’arrive plus. » Alors, elle se résigne et se réfugie dans l’attente et l’espoir. Je cite : « Jeanne essaya de dissimuler sa cruelle déception sous un sourire. »

La coiffeuse discute avec les Michaud et propose de lui faire un shampoing.

Le couple Michaud est content d’être de retour dans leur appartement, bien que Jeanne se lamente en disant : « Mais à quoi bon ? Si mon fils… » L’aposiopèse suggère qu’elle envisage le pire. Losrque Jeanne penetre chez elle, elle devient nostalgique. Elle parle de son logement de manière melancolique en disant : « il lui était rendu, ce petit univers clos, douillet, ou elle avait vecu quinze ans et qui enfermait entre ses murs de si doux, de si chauds souvenirs. » Ce qui est intéressant dans cette phrase, c’est la distance entre la peine et la chaleur des souvenirs. Se remémorer, revenir sur les lieux du passé lui réchauffe le cœur.

La joie du retour disparait rapidement lorsqu’elle se met à penser à son employeur : Monsieur Corbin. Je cite : « le souvenir de la banque la fit tressaillir tout à coup. »Ce geste « tressaillir » indique son angoisse. Toutefois, Monsieur Michaud, qui sait se montrer doux et rassurant lui dit : « Nous sommes ensemble. Nous sommes chez nous. Ne pensons a rien d’autre… »Une fois de plus, nous voyons que ces deux personnages forment un couple uni et soudé.

Ils prennent un café et mangent des gâteaux avec de la confiture. C’est un moment simple : une boisson, des biscuits. Ils n’ont pas besoin de plus. J’aime cette phrase : « Ils s’endormirent enfin côte à côte, leurs mains enlacées. »

Le 25 juillet 1940, les Michaud reçoivent une lettre odieuse de la part de Corbin. Celle-ci contient une succession de reproches injustes. Il les informe de la perte de leur poste. « Cette lettre plongea les Michaud dans le désespoir. » En effet, ils font face à une réalité économique inquiétante et de plus car « tout travail était rare et mal payé ».

lettre

L’annonce de ce renvoi provoque l’angoisse de Madame Michaud. Pour cela, l’autrice utilise une gradation ascendante : « Elle se sentait seule, vieille, malade. »La succession de questions montre également sa vision pessimiste de l’avenir. Elle s’interroge et se demande : « Que feraient-ils pour trouver du travail ? Comment vivraient-ils quand ces quinze mille francs seraient dépensés ? »

Mais ce que l’on remarque c’est la transformation de la peine en colère. Jusqu’ici Madame Michaud était une femme douce, bienveillante qui acceptait la fatalité dans le silence. Cependant, la fin du chapitre contient une longue tirade au discours direct dans lequel elle clame haut et fort sa fureur. Ce livre, rappelons-le, donne ainsi la parole aux plus vulnérables. Il faut saisir la détresse des opprimés, telle est le message de l’autrice lorsqu’elle déclare : « Nous sommes toujours écrasés. Pourquoi ?(…)Les ouvriers se défendent, les riches sont forts. Nous, nous sommes les moutons bons à tendre. » L’animalisation ici souligne la force des prédateurs contre le caractère docile des proies.

Le discours de son mari est beaucoup plus posé. Selon lui, le monde fonctionne selon des entités claires et des cycles. Je cite : « c’est comme dans la nature, à une période de calme succède l’orage. » Il parvient à glisser ce qui le fait tenir, à savoir la certitude de sa liberté intérieure.

Mr MichaudLe chapitre se termine avec une certaine victoire. Jeanne et son mari toucheraient une indemnité correspondant à six mois de leurs appointements respectifs. Toutefois, comme le dit le vieil adage, l’argent ne fait pas le bonheur. Cette solution ne retire pas « leur angoisse au sujet de leur fils. »

Rainy days, rainy nights. Des jours propices pour lire et écrire.

J

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité