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23 mai 2023

Au royaume des aveugles de Christine Leang - éditions pacifica

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Suite au décès brutal de sa femme, Alex, trente-sept ans décide de quitter la France afin de partir vivre en Chine à Shanghai. Il entreprend de démarrer une nouvelle vie avec sa fille Chloé, âgée de dix ans. Il obtient un poste de professeur de littérature au sein du lycée français de Shanghai. Sa fille inscrite dans le même établissement scolaire entre en CM1. La perspective d’enseigner, de transmettre sa passion pour la langue le rend à la fois nerveux tout comme ce projet le vivifie.

Rentrée des classes. Les premiers jours laissent Alex dubitatif. Lui qui aime les livres comme des parents disparus constate avec dépit que les mots et les romans ne semblent pas intéressés les lycéens. Il s´était donné pour objectif de convertir ses élèves au plaisir de lire mais il se heurte à une triste réalité.

Surpris par ce manque d’enthousiasme, Alex enchaînera les déconvenues professionnelles : l’architecture des lieux n’est pas adaptée (page 61 : « la pièce ressemblait à un bocal à poisson : son occupant n’avait le droit à aucune intimité, chacun de ses gestes était offert au vu et au su de tous, à travers les vitres venues remplacer les murs »), les élèves manquent de respect envers les agents d’entretien, certains professeurs semblent vouloir acheter la paix sociale, les parents membres de la communauté d’expatriés méprisent les locaux et affichent ouvertement des propos racistes, les cas de harcèlement scolaire ou d’autres nombreux dysfonctionnements passent sous silence sous prétexte qu’ils pourraient nuire à l’image de marque de l’établissement.

Le tableau est sérieusement sombre et inquiétant d’autant plus que personne ne semble en mesure de vouloir changer cette situation. Je cite : « Chaque question pédagogique soulevée fut ignorée ou moquée par l’assemblée ; chaque faille mise à jour, recouverte d’enduit, Les uns et les autres s’évertuaient à rester dans le déni pour ne pas avoir à justifier leur inertie. »  Dans ce contexte morose, Alex parviendra-t-il à modifier le système face à une armée servile, emmurée dans le silence ?

Ce roman est écrit sous la forme d’un journal, découpé selon le calendrier d’une année scolaire. Au cours des trois trimestres, l’autrice qui a travaillé en tant que documentaliste dans le lycée français de Shanghai, met en place toute une série d’anecdotes peu glorieuses, dénonçant ainsi le comportement de personnages extrêmement désagréables. L’image de la communauté expatriée se sentant d’une certaine manière au-dessus des lois est affligeante mais certainement réelle. On sent derrière la démarche de l’autrice la volonté de mettre noir sur blanc ce qui se passe au sein de ce microcosme et de les faire réfléchir sur les propos qu’ils tiennent. Les personnages sont nombreux. J’ai apprécié la diversité des profils, des âges, des métiers, des caractères. La galerie large offre un panel vraiment crédible.

D’un point de vue linguistique, le roman est très intéressant car le texte est ponctué de phrases en chinois avec des traductions en bas de pages. Le roman montre les progrès fulgurants de Chloé tout en mettant en lumière les difficultés du père.

Bien que l’autrice dénonce une réalité qui fasse froid dans le dos, j’ai parfois eu l’impression qu’elle se répétait en tirant sur toutes les ficelles possibles afin de nous offrir une vision désastreuse de l’enseignement. Le propos engagé, le ton indigné et acerbe est un peu usant à la longue. En publiant cet écrit diffamatoire, l’autrice jette l’opprobre sur une institution, si bien que je m’interroge sur l’accueil qu’a reçu son pavé dans la mare au sein de la communauté de Shanghai.

D’autres éléments romanesques m’ont surpris : Alex exerçait avant le métier d’architecte, or on ne comprend pas bien son parcours pour obtenir un poste dans l’enseignement. L’intervention des beaux-parents à la fin est un élément inattendu qui n’apporte pas beaucoup au fond de l’histoire.

En revanche, d’un point de vue culturel, la lecture est vraiment dépaysante. On découvre vraiment la ville de Shanghai de jour comme de nuit, ses commerçants, sa gastronomie, ses traditions. Un embarquement très plaisant pour la Chine.

Un hommage à Shanghai.

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