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18 août 2020

No et moi de Delphine de Vigan - chapitre 4

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Le chapitre 4 nous permet d’assister à la seconde rencontre entre No et Lou. Pour l’étude de ce passage, je propose dans cet article de découper l’analyse en cinq parties.

Première partie : les retrouvailles à la gare

Le chapitre démarre avec la phrase suivante : « No est assise par terre, appuyée contre un poteau, elle a déposé devant ses pieds, une boîte de thon vide dans laquelle sont tombées quelques pièces. » No est en train de pratiquer la mendicité. Pour nous faire prendre conscience de la dure réalité de la situation, Delphine de Vigan utilise un langage cru et frappant à travers l’objet singulier « une boîte de thon vide ». Ce triste détail visuel permet de susciter l’empathie du lecteur.

Au départ, Lou semble confiante et déterminée à l’idée de reprendre contact. La phrase « je m’avance vers elle d’un pas décidé » souligne son intention de se rapprocher. Cependant, cet élan est vide interrompu via l’utilisation de l’adverbe « soudain » pour instaurer un changement de cap. Je cite « soudain j’ai peur qu’elle ne se souvienne pas de moi » montre l’appréhension de la jeune fille. Lou propose finalement d’aller boire un chocolat. No ne répond pas mais elle se lève en signe d’approbation. L’autrice en profite ainsi pour passer au peigne fin le langage corporel de No. Je cite : « elle se lève d’un bond », au lieu de répondre par l’affirmative.

Deuxième partie : la gestuelle de No

No semble très impulsive et nerveuse. La succession des verbes d’action montre que la scène se déroule très rapidement. Le rythme s’accélère : « Elle se lève d’un bond, attrape son sac en toile, marmonne qu’elle ne peut pas laisser ça la, elle désigne du menton une petite valise à roulettes… » Elle agit sans avoir recours au langage. Ses gestes vifs semblent traduire un état d’agitation. On peut parler dans ce passage d’écriture cinématographique dans la mesure ou le lecteur visualise parfaitement la situation.

De son côté, Lou fait face à une contradiction. En effet, elle déclare : « Je suis fière d’avoir fait ça, d’ouvrir la marche, et pourtant je suis morte de peur à l’idée de me retrouver en face d’elle. » L’hyperbole « morte de peur » met en valeur l’extrême timidité de Lou.

No utilise un langage corporel, comme des sortes de codes pour communiquer avec les autres personnages errants dans la gare. Pour signaler la présence de « flics » (policiers en langage familier), No fait « un petit mouvement de la tête, imperceptible ». Lou, pourtant surdouée, réalise qu’elle est incapable de saisir la nature de ce langage. No semble surveillée, traquée dans cet espace public. Elle évite les rapports avec les forces de l’ordre. Elle refuse d’entrer dans un premier café car elle serait « grillée «  (repérée en langage figure et familier). L’utilisation de son registre reflète son appartenance sociale.

Troisième partie : à l’intérieur du relais d’Auvergne

Lou commande un coca alors que No demande une boisson alcoolisée forte : une vodka. « Le serveur hésite quelques secondes, un peu plus il va lui demander son âge, mais elle soutient son regard avec une insolence incroyable, ça veut dire ne me fais pas chier connard… ». Une fois de plus, nous voyons que No n’a pas besoin de s’exprimer verbalement pour transmettre un message. Plus loin, « le serveur revient, il pose les verres devant nous, No attrape le sien d’un geste impatient. » Cette citation suggère une certaine forme d’addiction, de dépendance. L’autrice s’attarde ensuite sur l’apparence physique négligée de No. Plusieurs détails tels que « ses mains noires, ses ongles ronges…et les traces de griffures sur ses poignets » forment une énumération violente, donc choquante. « Elle a l’air si fatiguée » montre que Lou ressent de la pitié pour cette jeune SDF. Pour renforcer cette image triste et boulversante , No dit : « il y a ce mot qui me vient à l’esprit, abimée. » Abîmée est généralement un terme que l’on utilise pour les objets anciens, désuets mais également pour les plus vulnérables, ceux qui n’ont pas été épargnés par les difficultés de la vie. No se dévoile un tout petit peu. Nous apprenons (mais ce n’est pas une véritable découverte) qu’elle ne dispose pas de lieux pour dormir et qu’elle n’a pas de parents non plus.

Quatrième partie : l’hyperactivité de No

No est  agitée. Elle ne tient pas en place. Elle semble en mouvement perpétuel. Je cite : « ses pieds gigotent sous la table, elle ne peut pas s’appuyer sur le dossier, ni poser ses mains quelque part…change de position, revient à la précédente… ». Autrement dit, son malaise se traduit par son langage corporel.

Ligne 360, l’autrice utilise une prétérition. Citons : « je me retiens de poser le déluge de questions qui se bousculent dans ma tête », ce qui met en évidence son extrême timidité. Après sa deuxième vodka, No invite Lou à parler d’elle ce qui permet à l’autrice d’introduire le monologue de la jeune lycéenne.

Cinquième partie : le monologue de Lou

Lou se met à raconter de manière déconstruite une série d’anecdotes sur son existence : souvenirs d’enfance, sa vie au lycée, ses relations avec les autres, ses activités. Au détour de quelques phrases, elle confie aussi ses peurs, ses difficultés et ses souffrances. Lou se livre de manière très ouverte. Elle, qui au départ, se sentait gauche se livre de manière spontanée dans un logorrhée intime et touchant. Elle fait dans son discours référence à sa mère « quand elle est sortie de l’hôpital. ». Lou se sent en confiance avec No car elle peut dire « le désordre qu’il y a dans sa tête. »On a l’impression qu’elle a trouvé en No une interlocutrice attentive, capable d’écouter sans juger. No finit par s’endormir et d’une manière attendrissante, Lou déclare : « c’est toujours ça de pris pour elle. »

En conclusion, dans ce chapitre, ce qui nous interpelle, c’est l’inversement de la situation initiale attendue par le lecteur. En effet, le lecteur s’attendait à ce que Lou joue le rôle de la journaliste en herbe et finalement nous découvrons plus en détails le portrait de cette jeune élève surdouée qui en dépit de certains complexes se montre enjouée et de compagnie agréable. C’est également un personnage qui a du cœur et l’on devine que cette deuxième rencontre signe le début d’un attachement plus profond.

 

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