Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Après avoir lu
Visiteurs
Depuis la création 223 336
Publicité
Archives
Newsletter
5 février 2020

Suite française d'Irène Némirovsky - éditions Folio

Chapitre 16

Dans le chapitre 16, nous sommes en compagnie de la famille Péricand. Rappelons que c'est une famille aisée, issue de la bourgeoisie. Ils fuient Paris en compagnie de leurs domestiques et trouvent refuge “dans une maison habitée par deux vieilles demoiselles où on découvrit une grande chambre libre.” Le chapitre 16 est assez long et donc pour faciliter la compréhension de ces quelques pages, je propose de découper l'analyse littéraire en plusieurs parties.

Première partie : les enfants, malheureuses victimes de la guerre.

Pour commencer, rappelons que les Péricand forment une famille nombreuse. Les trois plus jeunes s'appellent Jacqueline, Emmanuel et Bernard. Dès le début du chapitre 16, nous comprenons que les enfants sont physiquement épuisés. En effet, l'autrice utilise l'expression idiomatique « tombant de fatigue » dans la phrase suivante : « On coucha les enfants tout habillés » car ils étaient exténués, harassés, fatigués. L'inquiétude est également palpable car ils ne savent pas où ils sont. « Emmanuel effrayé par cette chambre inconnue »  est angoissé. L'utilisation du participe passé « effrayé » est un terme qui appartient au champ lexical de la peur. Emmanuel est terrifié non seulement par l'environnement nouveau mais aussi par « les deux vieilles qui couraient de coté et d'autre comme des hannetons affolés en gémissant ». Dans cette phrase, Irene Némirovsky utilise deux figures de styles : une comparaison introduite avec le mot « comme » et une animalisation. Autrement dit, nous sommes dans un climat inquiétant, terrifiant, angoissant. On remarque également l'injustice dans les traitements car contrairement aux membres de la famille Péricand qui dorment dans un « lit », les domestiques passent « la nuit sur des chaises ».

Deuxième partie : la douleur des femmes

Dans ce roman, Irène Némirovsky passe en peigne fin le comportement de ses personnages et observe leur désarroi. D'un coté, « les femmes pleuraient » mais de l'autre coté « Les hommes, silencieux, baissaient la tête. » L'autrice semble suggérer une division dans la manière de ressentir les émotions dans ce contexte ahurissant. L'autrice insiste davantage sur la peine des femmes car « leur douleur était plus animale que celle de leurs compagnons, plus simple aussi et plus bavarde ; elles la soulageaient en récriminations, en exclamations : ainsi...c’était bien la peine ! En arriver la...c'est pas malheureux...(...)c'est le pauvre qui souffre... ». Dans cette citation, nous remarquons le changement de registre littéraire. Cette femme s'exprime dans un langage familier pour partager sa colère et son indignation. Une fois de plus, les inégalités sociales sont mentionnées, si bien que le lecteur ressent de l'empathie pour les plus malchanceux.

Troisième partie : le contraste entre Hubert et les autres personnages

Hubert ne peut masquer le sentiment de révolte qui l'anime. Ce contexte de guerre l'affecte à tel point qu'il manifeste sa colère physiquement. “Hubert les écoutait, serrant le poing”. Nous remarquons ici son caractère agressif et impulsif. Il utilise des insultes lorsqu'il parle des femmes, en les résumant à un “tas de vieilles pies”. Cette expression désobligeante souligne son mépris et sa méchanceté. Hubert ne peut se résoudre à l’idée de rester les bras croisés. Il veut agir en tant qu'”homme” et pour souligner son sens de l'investissement, voici ce que déclare l'autrice : “il n'avait pas l'âge légal de se battre mais il savait qu'il était plus fort, plus résistant à la fatigue, plus habile, plus malin que ces vieux de trente-cinq ans”. La répétition de l'adverbe "plus" présente Hubert comme un personnage supérieur, une sorte de héros emblématique et patriotique.

Toutefois, dans ce chapitre, Hubert est bien souvent infantilisé par sa mère. Elle ne le prend pas au sérieux. Elle se moque de ses idées et de ses projets et le critique ouvertement : “Que tu es gauche, mon pauvre enfant !”. Elle cherche aussi à le faire culpabiliser, en le mettant face à ses envies : « Tu trouves que je ne suis pas assez malheureuse, peut-être ? »

Quatrième partie : l'exaltation de la jeunesse

Hubert est prêt a s'engager. Il se sent l’âme d'un soldat et pour cela tente vainement d'imposer son choix à sa mère. “Oh ! Je veux partir, murmura-t-il, je veux partir !”. L'utilisation de l'interjection “Oh !” tout comme l'usage multiple des points d'exclamation font ressortir l'exaltation du jeune homme. Nous remarquons qu'il déclare à deux reprises :”je pars”. L'utilisation du présent de vérité ici montre qu'il prend des initiatives. Il n'a pas froid aux yeux. Il veut passer à l'action car l'immobilisme le rend fou. “Je mourrai, je me tuerai si je dois rester là ” est une hyperbole qui souligne de manière presque trop caricaturale son goût pour l’héroïsme. Ces paroles sont retranscrites au discours direct, ce qui permet au lecteur de bien saisir son impatience. Un peu plus loin, nous remarquons une gradation ascendante : “il avait insensiblement élevé la voix et il criait maintenant, il ne pouvait contenir ses cris”. L'attente est synonyme de frustration.

1

Dans ce chapitre, nous comprenons la conception de la vie selon Hubert. Ce jeune homme croit à une vie héroïque, digne d'aventures et de prises de risques. Il refuse une vie ordinaire, une vie simple, une vie classique. Selon lui, “la vie était Shakespearienne, admirable et tragique.” Dans cette énumération, l'utilisation du terme “tragique” indique une connotation morbide. On devine que la fin ne lui fait pas peur. Il affirme d'ailleurs page 133 : “Il n'avait pas peur. Et bien, non ! Il n'avait pas peur. Il accueillait, caressait l’idée de la mort.”Ici, l’euphémisme “caresser l’idée de la mort” apporte une certaine touche poétique au caractère éxalte du personnage.

Cinquième partie : la quête d’héroïsme des jeunes français

Hubert rencontre René, avec qui il se lie d’amitié rapidement. Il convient de fuir et prévoit de le retrouver “ à la sortie du bourg”. Hubert est attiré par ce nouveau compagnon : “il pensait à ce nouveau camarade qui allait partager avec lui gloire et périls”. Remarquons ici l’antithèse dans cette phrase. Gloire et périls sont deux mots de sens contraire et viennent renforcer l’idée qu'Hubert se projette dans une vie d'aventures, sans limites. Nous sommes surpris des sentiments prématurés d'Hubert car “il se sentait attache à lui avec une violence et une tendresse extraordinaires”. L'adjectif “ extraordinaires” souligne le caractère surréaliste de la situation. La suite du chapitre montrera qu'Hubert après avoir attendu patiemment l’arrivée de son nouvel ami se retrouvera finalement seul. Il confluera ce manque de bravoure de la manière suivante : “Les hommes...un troupeau de bêtes sauvages et lâches.” Cette métaphore montre qu'Hubert méprise ceux qui n'ont pas le courage de s'engager, ceux qui préfèrent “se dorloter sous la couette” par conformisme ou individualisme.

3En conclusion, nous pouvons dire qu'Hubert se sent incompris par son entourage. Il a soif d'aventures, toutefois au contact des autres soldats, il semble un peu immature  et perdu. Il veut se battre mais sa voix trahit une grande timidité. A la fin du chapitre 16, nous basculons de nouveau dans l'horreur. “La mort planait dans le ciel” est une métaphore glaçante. La guerre ne cesse de faire des ravages. Un conducteur tente de fuir “mais il ne reviendrait pas”. Cet euphémisme essaye d’atténuer la gravite de l' hécatombe.

4

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité