Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Après avoir lu
Visiteurs
Depuis la création 223 212
Publicité
Archives
Newsletter
22 janvier 2020

Suite française d'Irène Némirovsky - éditions Folio

Chapitre 12

82654161_10157941116698695_7178051843916824576_nLa lecture du chapitre 12 est éprouvante. C'est la deuxième fois que j'analyse ce livre en classe. Le relire pendant ces journées de pluie me fait beaucoup penser à l'autrice, aux circonstances dans lesquelles elle a rédigé ce roman. Elle, Irène Némirovsky, héroïne tragique,  a écrit cette chronique noire tout en sentant cette épée de Damoclès au-dessus d'elle.
J'ose espérer une chose : que l’écriture de ce roman ait pu avoir un quelconque pouvoir cathartique sur son destin.

Le chapitre 12 est très angoissant. Nous sommes en compagnie du couple modeste des Michaud qui poursuivent leur voyage dans des conditions terribles. Pour être le plus réaliste possible et nous faire prendre conscience de l'horreur du contexte, Irène Némirovsky utilise le champ lexical de la guerre. Relevons les nombreux termes suivants : « un camion militaire, de réfugiés, avions ennemis, le bombardement, l'alerte, sirène, des avions italiens et allemands, blessant, tuant, sang chaud, des blesses, la bousculade... ».

Au départ, Maurice et Jeanne ont un moment de répit. Ils trouvent refuge dans une maison « déjà encombrée de réfugiés ». La narration offre une pause réconfortante : ils se restaurent, ils font leur toilette et donc « ils se sentirent mieux ». Mais ce moment d’accalmie est éphémère. En effet,  le lecteur bascule ensuite subitement dans un climat d’épouvante avec la citation suivante : « le bombardement éclata. » L'utilisation du passé-simple ici vient renforcer le caractère soudain et inattendu de l'attaque.

A partir de ce moment-là, nous assistions à la description d'une authentique scène de guerre. Commençons par remarquer que le combat n'est pas seulement visuel mais aussi sonore : « dans le tintamarre des autos, les cris des enfants, le bruit de la foule affolée, on entendant à peine ce faible et ridiculise tintement. ». L'interrogation : « Tiens, c'est une alerte ? » souligne l’incompréhension générale. Les gens observent le ciel et sont affolés. Ce sentiment de panique collective est palpable lorsque Jeanne déclare : « Mais il tire, il va tirer, nous sommes perdus... ». Ici, Irène Nemirovsky utilise deux figures de style dans une même phrase. La première est une  gradation ascendante qui est une figure d’amplification. Elle crée un effet de dramatisation. Elle permet de donner plus d’intensité à l’expression et apporte du rythme à la phrase. La seconde est une aposiopèse qui est une figure de rupture de construction. Elle consiste à interrompre une phrase ou un vers sans achever sa pensée. L’aposiopèse révèle une émotion, une hésitation ou une allusion. Ici , la phrase “nous sommes perdus... » annonce la prise de conscience d'une mort imminente.

Face au désespoir, Irène Némirovsky analysez en détail le comportement des mères de familles. “Des femmes, prises de panique, jetaient leurs enfants comme des paquets encombrants et se sauvaient.” La puissance du langage ici frappe le lecteur. Irène Némirovsky se concentre sur les gestes. Elle passe au peigne fin les comportements des femmes afin de nous faire comprendre le caractère irréel de la situation. « Parfois elles portaient une sorte de cri sauvage, étranglé, qui ne ressemblait a aucun autre ». L'utilisation de l'adjectif « sauvage » nous fait penser à un cri d'animal. Une fois de plus, Irène Némirovsky compare l'attitude de ses personnages avec des bêtes traqués et apeurés. Cette impression est de nouveau relatée avec la citation suivante : « d'autres saisissaient les leurs et les pressaient contre elles avec tant de force qu'elles paraissaient vouloir les faire rentrer de nouveau dans leurs flancs. » Le milieu du ventre ici désigné sous le nom de « flanc » est un détail anatomique que l'on utilise aussi pour les animaux. L'autrice utilise également des détails sordides qui suscitent le dégoût : « de sa tête fracassée s’échappait le sang. Ce sang chaud avait giclé sur la robe. » La répétition du mot « sang » nous laisse imaginer que cette scène est affreusement violente.

 

82618826_10157941116943695_8687328374210691072_n


Bien que ce soit « trop dur pour elle », remarquons que Madame Michaud est une femme douce, solidaire, généreuse et prête à venir en aide aux plus vulnérables, en l’occurrence les enfants. L'utilisation de nombreux verbes d'actions à l'imparfait montre sa capacité à garder la tête froide et prendre des initiatives. En effet, elle « appelait...groupait...prenait...retournait ».

Nous voyons également que c 'est une femme qui incarne l'optimisme . Les interrogations : « On croit toujours voir le sien, n'est-ce pas ? Peut-être est-il dans un coin tranquille ? » sont des questions rhétoriques qui  mettent en valeur son optimisme. On a l'impression qu'elle continue son chemin, guidée par l'espoir indestructible de voir apparaître « tout à coup, à ses yeux, le sien,  son fils, son amour. »

Chapitre 13

Jean-Marie , l’enfant unique des Michaud, a été blessé deux jours auparavant dans le train bombardé, et se trouve maintenant dans un camion avec d’autres soldats blessés.

Jean-Marie est à demi inconscient, et pense vaguement à son enfance, à la ferme de sa nourrice où il passait ces vacances de Pâques. Flottant dans la douleur et la confusion des images et des sons qui l’entourent, il déclare : « «La volaille doit se sentir comme nous quand l’épervier vole...» Ses pensées sont interrompues par une image morbide de la mort ; il s’imagine maigre et nu, jeté en terre comme un des poulets que sa nourrice tuait dans son enfance. Il est dans un tel état de faiblesse qu'il pense que c'est la fin : « C’était la mort...et moi aussi j'ai été saisi et emporté , pensa-t-il...saisi et emporté  ».

Le chapitre 13 nous donne aussi une idée de la vie à la campagne à cette époque.  Jean-Marie a beaucoup de fièvre et le Major lui trouve une maison de campagne «  à l’écart de la débâcle » pour qu'il puisse se reposer. Les femmes des fermes se plaignaient car « les hommes partis, elles avaient assez a faire avec les travaux des champs et les soins a donner aux bêtes sans s'occuper des blesses qu'on leur imposait ! ». Le point d'exclamation ici souligne la charge de travail.

Jean-Marie est soldat et d'une certaine manière on peut dire qu’il est patriote. Il est prêt à se sacrifier pour sa patrie et pour son peuple. On remarque qu'il est sympathique, car même dans son état de souffrance, il ne se plaint jamais de sa situation. La fin du chapitre 13 apporte une note plus douce et réconfortante. Le soldat, agonisant et blessé, se trouve à côté de « la belle-fille de la fermière ». La description physique de ce nouveau personnage est valorisante : « elle était jeune, elle avait une figure fraîche... ».

A son contact et en sa présence, Jean-Marie se sentait : « apaisé et presque heureux. »

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité