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31 décembre 2018

Quelle est l'image des femmes dans le roman Kiffe Kiffe demain de Faiza Guène ?

Kiffe kiffe demain est un roman contemporain qui raconte la vie quotidienne de Doria, adolescente française d'origine maghrébine qui habite à Livry-Gargan. C'est une cité dans la banlieue parisienne. Ce livre nous plonge au cœur des difficultés de la vie dans les cités habitées par des gens issus de cultures non-européennees. Dans son livre, Faiza Guène utilise l'humour ironique et satirique et nous offre ainsi une galerie de portraits réalistes et variés. Aujourd'hui, je me pose la question suivante : Quelle est l'image des femmes dans le roman Kiffe kiffe demain ? Autrement dit, quelle place ou quel rôle représentent-elles au sein de la société française ?

Tout d'abord, dès le début du livre, nous comprenons que Yasmina, la mère de Doria est considérée comme une femme dont le rôle est de donner naissance à des enfants . Or, nous savons que le père de Doria a quitté le domicile conjugal car Il est retourné au Maroc épouser une autre femme plus jeune et plus féconde que ma mère.”(page 10) Cette citation souligne que les femmes sont réduites à des objets de procréation. Elles peuvent subir le rejet ou le départ de leur mari si elles ne sont pas capables d'avoir plusieurs enfants. Elles deviennent donc des mères célibataires et doivent assumer seules les responsabilités de la famille.

Nous retrouvons ce point commun avec le personnage de Tante Zohra. En effet, nous savons que “Son mari, il est retraité des travaux publics et il a épousé une deuxième femme la-bas au pays, alors il reste six mois là-bas et six mois en France.” (page 34) Doria s'interroge et se demande si ce phénomène de polygamie est “Une mode ou quoi” ? (page 34) Cette citation montre bien que dans le roman les femmes sont souvent soumises aux hommes et ne peuvent exprimer leur opinion sur la conception de l'amour ou de la vie de famille.

Toutefois, il est intéressant de remarquer que les femmes entre elles peuvent parler de leur peine et de leur angoisse. Face à la douleur et à l’adversité de la vie, il y a une solidarité entre Yasmina et Tante Zohra. Nous retrouvons d'ailleurs cette notion d'entraide page 33 lorsque Doria évoque les cours de couture. Elle dit “Ma mère m'a expliqué qu'elle s’était inscrite au cours de couture parce qu'il y avait pratiquement que des maghrébines et que ces réunions de femmes le mercredi après-midi autour de leurs machines à coudre Singer des années quatre-vingt, ça lui rappelait un peu le bled.”

Par ailleurs, le livre montre que les femmes d'origine étrangères et souvent analphabètes travaillent dans des conditions très difficiles. Elles occupent des postes précaires et subissent souvent le racisme ou la violence de leurs patrons. “Au formule 1 de Bagnolet, tout le monde l'appelle “la Fatma”. On lui crie après sans arrêt et on la surveille pour vérifier qu'elle pique rien dans les chambres.”(page 14) Cette citation montre que Yasmina est victime de préjugés. Nous découvrons que le patron de Yasmina est un homme vulgaire, tyrannique, et raciste. Il abuse de son pouvoir et de plus il est suspicieux car il pense que les employés volent des choses dans l’hôtel. Les femmes ne reçoivent aucune reconnaissance et endurent des humiliations. Nous le savons quand Doria annonce tristement page 15 « Un jour, il l'a insultée et quand elle est rentrée, elle a pleuré super fort. »

De plus, le livre présente de nombreuses références à la culture islamique et l'auteur explique que dans la culture marocaine, les jeunes filles font face à une pression sociale afin de se marier lorsqu'elles deviennent adolescentes. Tu sais, Yasmina, ta fille devient une femme, il faudrait que tu penses à lui trouver un garçon de bonne famille.”(page 22) Cette citation montre que les jeunes n'ont pas le droit d'exprimer leurs préférences, leurs choix ou leurs sentiments. Elles ne sont pas libre de choisir leur destin, ce qui revient à dire que c'est “Kiffe kiffe demain” dans la mesure où la jeune fille ne peut pas contrôler son avenir.

N'oublions pas de dire non plus que ce manque de liberté d'expression se retrouve dans la réaction du père de Doria quand il découvre le poster d'un chanteur dans sa chambre. Page 42, elle raconte ce souvenir « Le soir, mon père est entré dans ma chambre. Il s'est mis dans tous ses états et a commencé à arracher le poster en criant : « Je veux pas de ça chez moi, y a le chétane dedans, c'est Satan ! ». Avec cette citation Doria nous montre l’éducation stricte de son père. De plus, lors de la fête populaire du quartier, elle peut rester jusqu’à la fin, ce qui souligne qu'avant elle était privée d'autonomie et ne pouvait pas sortir tard le soir. Ce contrôle permanent des hommes est très clair quand Doria déclare page 91 «  “A croire que c'est vraiment la poisse d'être une fille.”

Dans son livre, Doria confie qu'elle n'est pas un cas isolé. Autrement dit, elle n'est pas la seule qui souffre d’une education stricte, autoritaire, austere dictee par les commandements de la religion. En effet, page 164 et 165, elle raconte “L'histoire d'une fille qui habitait le quartier il y a quelques annees” et un jour “se parents ont trouve une lettre anonyme dans leur boite aux lettres”. Votre fille a beaucoup de mauvaises fréquentations, elle sort beaucoup et marche souvent avec des garçons. On entend des choses sur elle qui salissent votre nom et la réputation que vous avez, le quartier sait que **** fréquente des jeunes hommes et qu’elle oublie le droit chemin. Dieu dit que vous êtes responsable du chemin de vos enfants. Il faut être sévère avec elle pour qu’elle craigne sa famille et la religion de l’Islam. Maintenant les gens et les hommes voient que votre fille est de la rue et qu’elle n’a pas peur. Les Français l’emmènent sur le chemin du mal. On a remarqué qu’elle se maquille, qu’elle colore ses cheveux, ça veut dire qu’elle aime plaire aux hommes et qu’elle tente Satan. S’il arrive quelque chose de honteux, Dieu voit que vous avez été trop libre avec elle et vous êtes aussi coupable comme elle.”

Cette lettre suscite au moins deux commentaires : le premier concerne le manque de liberté de mouvement pour les femmes et les jeunes filles – l’espace public étant, comme nous avons déjà constaté, réservé aux hommes. Ici, on voit explicitement que l’islam est utilisé comme une arme pour restreindre la liberté des jeunes filles. L’autre commentaire concerne le manque de liberté d’action des parents, et du père en particulier dans cette communauté. Le « vous » accusé de trop d’indulgence vis-à-vis de l’adolescente est un « vous » au singulier, la lettre est donc adressée au chef de la famille – c’est-à-dire au père. Selon l’argumentation de l’épistolier anonyme, c’est le devoir du père de se montrer sévère avec la jeune fille. Celui-ci n’a pas de choix : il doit obéir s’il ne veut pas être déshonoré.

Les hommes préfèrent voir leur femmes au foyer plutôt que de travailler. «  Quand Papa habitait chez nous, il était même pas question qu’elle travaille alors qu’on était grave en galère de thune. Parce qu’une femme pour Papa c’était pas fait pour bosser non plus. »On voit ici les rôles traditionnels d’une société patriarcale : les femmes sont censées rester à la maison et s’occuper de la famille, alors que le marché du travail est réservé aux hommes. Le père sait que son épouse est analphabète, sans occupation et sans revenu – et totalement à la merci des autorités sociales si quelque chose lui arrive. Et pourtant il choisit d’abandonner sa famille pour retourner chercher son bonheur personnel au Maroc.

Le père de Doria est lâche, autoritaire, stricte, impulsif, contrôleur, machiste mais il est important de comprendre qu'il n'est pas le seul. Citons, à titre d’exemple, le mari de Tante Zohra – le « vieux fou » – qui brutalise son épouse et lui fait peur. Mais les personnages de Kiffe kiffe demain qui illustrent le mieux la violence masculine sont le père et le frère de Samra. Cette jeune femme – qui est pourtant majeure – est maltraitée et incarcérée dans son appartement, ayant à peine le droit de sortir de chez elle pour aller au cours :

Dans mon immeuble, il y a une fille qui est détenue au onzième étage. Elle s’appelle Samra et elle a dix-neuf ans. Son frère la suit partout. Il l’empêche de sortir et quand elle rentre un peu plus tard que d’habitude des cours, il la ramène par les cheveux, et le père finit le travail. Une fois, j’ai même entendu Samra crier parce qu’ils l’avaient enfermée dans l’appartement. Dans leur famille, les hommes, c’est les rois. Ils font de la haute surveillance avec Samra et la mère ne peut rien dire, rien faire.

D’après Doria, le frère de Samra a « un gant de boxe à la place du cerveau » et leur appartement ressemble à un « pénitencier » et à un « centre de détention » Ne pouvant plus supporter les abus, Samra s’enfuit de chez elle – et depuis ce jour-là, le père est un « tortionnaire à la retraite » . Il a une crise de nerfs quand il apprend que sa fille fugitive a épousé un Français.

Pour terminer, il paraît important d'ajouter que les femmes sont aussi courageuses et déterminées. Yasmina décide de démarrer une formation d’alphabétisation. Bien que certaines assistantes sociales semblent superficielles, elles cherchent des solutions pour aider Doria et sa mère.

En conclusion, nous pouvons dire dans ce roman que les hommes cherchent a restreindre la liberté des femmes. Les hommes instaurent souvent des caricatures autoritaires et cruels mais nous devons aussi souligner la force des femmes. L’héroïne Doria retrouve le moral à travers toutes les détresses de l’adolescence – y compris la trahison de son père. Yasmina, la mère de la narratrice, réussit à s’émanciper en sortant de sa réclusion après le départ de son mari. Elle trouve un emploi salarié et, surtout, elle apprend à lire et à écrire. En ce sens, le livre met un point d'honneur à valoriser ces femmes courageuses qui cherchent à bousculer leurs destins afin de connaître une vie meilleure.

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